vendredi 25 novembre 2016

Au procès du flash-ball à Bobigny, "il n'y a pas d'impunité policière"

Il y a précisément cent-dix places dans la cour d'assises numéro deux du tribunal de grande instance de Bobigny. Hier chacun des sièges de cette salle d'audience exceptionnellement réquisitionnée pour juger les trois policiers accusés d'avoir blessé des manifestants avec leur flashball en juillet 2009 était précisément attribuée. Trente chaises pliantes pour la presse au fond et le reste minutieusement réparti entre les nombreux policiers venus soutenir leurs trois collègues poursuivis et les soutiens aux parties civiles, bien décidés à faire de ce procès celui de la "violence ordinaire" de la police. Autant dire que l'ambiance au centre de la salle était quelque peu tendue...

"On va essayer de se calmer et de pratiquer le vivre-ensemble le temps de l'audience", sermonne le procureur de la République Loïc Pageot, qui vient de passer trente minutes à placer le public. Son réquisitoire est à l'image de ce calme et de cette méthode : très argumenté, posé mais pourtant implacable pour les trois policiers. "Les prévenus ont pris des risques considérables en utilisant leur flash-ball de façon illégale, assène-t-il. On ne voit dans ces actions policières ni nécessité, ni légitime défense et encore mois de discernement". Alors que les prévenus assurent avoir reçu des "jets de projectiles", le procureur doute de leur existence : "Les témoins à leurs fenêtres ne les ont pas vu, il n'y a pas une plainte, pas une constatation le lendemain". Ces prévenus "doivent-ils bénéficier d'une peine plus juste parce qu'ils sont policiers ? Bien évidemment non. Il n'y a pas d'impunité policière", assure t-il. Loïc Pageot concède aux policiers deux circonstances atténuantes : ils n'ont pas d'antécédents judiciaires et leur hiérarchie n'a pas été "à la hauteur". Il requiert donc trois ans de prison avec sursis et autant d'interdiction professionnelle contre Patrice L., accusé d'avoir blessé Joachim Gatti ; dix mois de prison avec sursis contre Mickaël G. Et Julien V., assortis de dix-huit mois d'interdiction professionnelle. Et cinq ans d'interdiction de port d'arme pour les trois policiers.

En début d'après-midi, l'avocate des parties civiles Me Irène Terrel avait réclamé "une juste application de la loi pénale, à hauteur de son application pour les autres délinquants". "L'impunité crée des monstres, la confiance se transforme en rage", avait-elle lancé au début de sa plaidoirie. L'avocate s'est interrogée sur le "rapport de la police à la vérité". "Dans ce dossier, on travesti la réalité, on maquille la procédure", dénonce Irène Terrel, qui rappelle que les policiers ne sont pas poursuivis pour faux, un crime imprescriptible jugé devant la cour d'assises. Alors que les policiers se sont contredis durant l'enquête puis pendant l'audience sur ces fameux "jets de projectiles" qui légitimeraient la légitime défense dans l'usage du flash-ball, Irène Terrel a comptabilisé "un jet de cannette de bière" : "Six tirs de flashball pour une malheureuse cannette de bière et on nous dit que c'est proportionné...". Et l'avocate de conclure : "Ce procès sera peut être une fragile lueur d'espoir. Nous le dédions à toutes les victimes de violences policières, atteintes dans leur chair et dans leur espérance d'un monde plus juste".

A l'ouverture des débats ce matin, Joachim Gatti avait demandé la parole pour affirmer devant le tribunal son "soutien à toute la famille d'Adama Traoré, mort dans les mains de la police". A plusieurs reprises, hors de la salle d'audience, les soutiens aux parties civile ont scandé "Liberté, pour les frères Traoré". Les deux frères d'Adama Traoré, mort en juillet dernier pendant une interpellation à Beaumont sur Oise, ont été placé hier soir en détention provisoire dans l'attente de leur procès pour outrage et rébellion contre les forces de l'ordre.

A Bobigny, le procès des trois policiers se terminera demain matin après les plaidoiries de la défense.
Marie Barbier

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